Je retrouve ce tableau de 2012 peint après la mort de ma mère, comme en écriture automatique  – y compris pour le titre au dos. Sachant que j’y déposais ma tristesse, je l’avais mis de côté  sans y penser davantage… Voulais-je dire en n’osant m’adresser à ma mère défunte,  transparence de « ton » tombeau, ?

    Mais pourquoi son « tombeau » aurait-il été « transparent » ? Pourquoi ce désir « de voir à travers » matérialisé dans cette peinture? Je peux penser à mon chagrin et à mon travail de deuil où je voulais continuer de faire exister la mémoire de ma mère, mais je ne figure que le corps évidé d’un tombeau qui fait partie d’une ville avec des poutrelles  enchevêtrées, architecture vide, comme inutile, inhabitable et  dans laquelle on peut se sentir  perdu. J’étais incapable de la représenter.

    « Hallucination négative » de ma « mère morte »[1], de sa brisure, ma mère qui « tenait » pour « ne jamais retomber en dépression » ? Désir pourtant de représenter cette souffrance irreprésentable, la sienne et la mienne et d’attirer son attention ?  Réactivation du vécu traumatique de l’absence toujours présent en moi ? 

    Ce tableau serait-il le déclencheur de mon désir de peindre, de ma peinture abstraite qui cherche à représenter quelque chose d’essentiel mais de non figurable à partir d’un éprouvé de vide et d’effacement dans lequel il me faut replonger à chaque fois ?

    Travailler la matière,  y dégager des formes, des parties de corps à mettre en relation unitaire, figurer des bâtiments, voir à travers des fenêtres, retrouver dans des armatures parfois trop rigides la « structure encadrante » (A. Green) perdue de la mère  pour se sentir debout et fort. 

[1] Pour qui voudrait approfondir, selon les concepts (et le vécu) du grand psychanalyste André Green, « La mère morte » (1980), Narcissisme de vie narcissisme de mort, Paris, Minuit 1983, p.222-253. 

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