Ce tableau m’intéresse mais je n’ai pas encore découvert ce quelque chose pour qu’il soit fini. Je ne parviens pas à le terminer… Il manque de force. Pourtant il a quelque chose de singulier. Une matière dense, des boursouflures, des cicatrices recouvertes. Une peau ? Je veux sortir de cette bouillie, de ce brouillard, de ce magma… Accentuer des zones qui se profilent, qu’elles contrastent davantage tout en restant en relation. Mais en reprenant ce tableau je crains de perdre ma touche, qu’elle devienne fausse, fabriquée, de tout « gâcher » de ne plus avoir envie, de fuir la difficulté ou d’avoir à tout recommencer. Il m’appelle pourtant ce tableau en souffrance… Le regarder, l’écouter. « Qu’est-ce qui se passe avec lui ? A quoi suis-je confronté ? Ai-je déjà connu cela ? Qu’est-ce qu’il me fait vivre ? Quelle attitude je prends en ce moment ? »

Prendre du recul, prendre le temps de me « re »présenter ce que j’ai représenté. Intégrer les ratages. Relancer le tableau en douceur, caresser d’un voile de peinture ses grumeaux solidifiés. Changer souvent de couleur, le stimuler,  Ii va finir par trouver sa manière. Certains sont plus longs que d’autres à parler… Chaque tableau est pour moi une question qui me met devant trois attitudes possibles : affronter et oser agir, subir et être besogneux, fuir en laissant inachevé.

J’ai fait des études de psychologie à l’Université lumière Lyon2 (Master 2015), dans le cursus « Formation à Partir de la Pratique ». En mobilisant des connaissances en psychologie il s’agissait d’avoir un recul réflexif sur mon activité professionnelle et d’objectiver ma situation. Je devais porter un regard critique sur ma position d’observateur en interaction pour orienter ma recherche.

Je garde aujourd’hui cette disposition d’esprit qui repose en fait sur l’intégration de ses difficultés à travailler plutôt que de répéter des techniques faussement rassurantes. Ces répétitions ne sont-elles pas au service d’une fixation à quelque chose que l’on ne parvient pas à dépasser ? L’art nous aide à sortir de cette ornière en nous autorisant à jouer.

C’est pour cela que je continue cette démarche « à partir » de ma peinture qui est comme une « clinique picturale  » à observer et à transformer. Exposer mon travail certes,  mais aussi le décrire et l’écrire car cela m’aide à régénérer en permanence ma peinture, toujours  « à partir » de la pratique, non « par » la pratique et encore moins « à »  la pratique »*

* https://psycho.univ-lyon2.fr/formation-a-partir-de-la-pratique-fpp

 

 

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