L’artiste Christian Boltanski dit à propos de sa dernière exposition  et de son aménagement du dernier étage du centre Pompidou qui constitue son œuvre à part entière : « J’ai beaucoup travaillé l’architecture […] pour construire l’espace. L’important est qu’on ne soit pas devant mais dedans. On est à l’intérieur d’un truc dans lequel on erre » [1].

Ne pourrait-on comprendre ce propos comme la conception d’une œuvre moderne ? Une mise en scène, un dispositif  architectural dans lequel on entre, que l’on se sent libre d’habiter et où l’on se pose  des questions à multiples réponses. Pour les peintres qui font des tableaux modernes comme pour leurs spectateurs, un tableau  « moderne » ne relève  pas d’une  esthétique académique « classique », ni d’un art d’actualité « contemporain.»

Je conçois un tableau moderne comme  un lieu de recueillement quasi spirituel,  qui mobilise l’individu à partir de données abstraites qu’il s’approprie,  où il peut se retrouver sans avoir à entrer intellectuellement dans  une histoire imposée qui n’est pas la sienne, un lieu où il trouve des pistes pour sa propre histoire. Le tableau moderne est pour moi sous-tendu par cette éthique de mise en réflexion. On est  bien « dedans » et non « devant » et pour cela je préfère les grands espaces des grands formats qui peuvent absorber et contenir notre corps. 

[1]  « Boltanski invite à entrer dans son œuvre » , article de P. Dagen dans Le Monde, 13 novembre 2019.

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